CHRONIQUES SUR LE DEUIL

Que de regrets...

Depuis son décès, nous repensons sans cesse aux derniers moments vécus ensemble. Où nous étions. Ce que nous avons fait. Ce qui s'est dit. Un peu comme un film que nous rejouons en boucle. Sauf que maintenant que nous connaissons la fin de l'histoire, nous nous blâmons souvent de ne pas avoir agi différemment. Nous aurions tellement souhaité exprimer à cette personne tout notre amour. Nous regrettons de ne pas avoir profité pleinement de sa présence, alors que c'était encore possible.

Maintenant que nous sommes dévastés par son absence, nos derniers gestes nous semblent inappropriés, voir impardonnables: nous nous critiquons durement d'être rentrés tard du travail; nous nous sentons monstrueux de s'être quittés sans un «je t'aime»; nous nous méprisons d'avoir refusé son invitation. Nos attitudes nous semblent inacceptables. Pourtant, si l'autre n'était pas décédé, jamais nous nous aurions jugé aussi sévèrement. Mais il est mort... Alors nous nous adressons des reproches.

Nous portons notre attention sur tout ce que nous aurions pu faire de plus, de mieux. Et nous nous accusons de ne pas l'avoir fait alors que la personne était encore vivante. L'immense vide depuis son départ nous amène à réaliser à quel point nous l'aimons. Nous regrettons alors de ne pas lui avoir témoigné plus clairement l'importance qu'elle avait dans notre vie.

Nous pouvions sûrement exprimer davantage notre amour à l'autre, c'est vrai. En fait, y-a-t-il une limite à manifester notre affection aux personnes qui nous sont chères? Pouvons-nous «trop» aimer? L'amour est sans bornes, dit-on. Alors s'il n'y a pas de limites, c'est qu'il y a toujours la possibilité d'en faire davantage. Il devient donc si facile de nous blâmer. Avant d'être écrasés par de nombreux regrets, demandons-nous: ce niveau où nous aurions «assez» aimé l'autre, existe-t-il vraiment?

Mélissa Raymond
Travailleuse sociale

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Mélissa Raymond
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Mélissa Raymond

travailleuse sociale